Viktor Giacobbo

, 26. Januar 2008, von Anne Fournier

Viktor Giacobbo, l’éternel railleur

L’humoriste alémanique fait, ce dimanche, son retour sur les écrans alémaniques avec une nouvelle émission de satire inspirée de la politique suisse.«La satire s’intéresse à des problèmes sérieux. Voilà pourquoi vous, Monsieur Blocher, vous occupez souvent notre émission!» Mai 2002. Dans la salle zurichoise surchauffée du Kaufleuten, Viktor Giacobbo, enfoncé dans son fauteuil de maître, titille Christoph Blocher au fil de son émission TV satirique Spätprogramm. Costard, lunettes, stylo-bille et carnet de notes: dans sa tenue, Giacobbo affiche un sérieux qui contraste curieusement avec l’acidité de ses propos et le ton de son émission, cocktail d’interviews et de sketchs fantasques. Six mois plus tard, ce programme s’arrête, malgré ses douze ans de succès et ses émissions suivies jusque par un demi-million de téléspectateurs.

«J’ai décroché car je voulais prendre de la distance. J’avais envie de théâtre, de voyage, d’autre chose. Mais là, désormais, je suis prêt», racontait l’autre jour Viktor Giacobbo, croisé dans les coulisses de la télévision alémanique SF. Car ce dimanche 27 janvier, l’humoriste à la carrure de Woody Allen retrouve le petit écran, assisté de sa complice favorite: la satire. Giacobbo veut toujours, pour divertir, greffer ses sketches à des problèmes sérieux, et plus que jamais à la politique, que Christoph Blocher soit conseiller fédéral, leader d’opposition ou retraité en pantoufles. A quelques jours de la première, il répète, plutôt stressé, dans les couloirs de la télévision, n’accordant que des interviews minutées. Car son retour est très attendu.

C’est que Giacobbo est une institution à l’est de la Sarine. Sa cote de popularité peut rendre jaloux n’importe quel promi – c’est ainsi que l’on appelle les figures populaires ou politiques. Un jour, dans la rue, dites un rocailleux «soooo guet» au premier passant venu. Et celui-ci vous répliquera sans hésiter: Fredi Hinz. Ce Fredi, c’est un des personnages les plus connus inventés et interprétés par Giacobbo (Fredi, ses pétards aromatisés, ses problèmes sexuels). Sans oublier Harry Hasler, repérable à son torse velu. Ni la ménagère Debbie Mötteli. C’est de la satire grand public qui s’en remet aux tracas de la suissitude.

Pour sa nouvelle apparition hebdomadaire, l’humoriste de 56 ans, typographe de formation, se retrouve au Kaufleuten, toujours en public. Son acolyte est Mike Müller, humoriste et comédien très populaire, vu notamment dans le film Mein Name ist Eugen. «Je ne sais pas encore ce que nous allons faire», avance-t-il sans rougir. «Nous allons nous inspirer de l’actualité et des invités sur le plateau» (ce dimanche, le radical Otto Ineichen). L’émission puisera dans Spätprogramm, mix d’interviews assassines, de sketches et d’improvisation. Comme lorsqu’il revenait sur la punition radicale pensée par Samuel Schmid pour lutter contre les joints des recrues: leur imposer un remix du spectacle d’ouverture d’Expo.02…

D’abord reine des cabarets, la satire politique a une forte tradition en Suisse alémanique. De l’humour typiquement schweizerisch? En fait, l’histoire de la satire, bien qu’assaisonnée de dialecte, est liée à l’Allemagne et à ses artistes en exil en Suisse pendant les deux Guerres mondiales. «Très forte dans les années 70, la satire, souvent à gauche, est devenue une niche», estime Marco Ratschiller, rédacteur en chef du périodique satirique Nebelspalter. «Elle est aujourd’hui surpassée par la comédie, un rire plus grand spectacle qui n’exige pas une fine connaissance du cosmos politique.»

Pourtant avec Franz Hohler, Lorenz Keiser ou Andreas Thiel, les héritiers existent. Marco Ratschiller: «Viktor Giacobbo a assis sa réputation avec la parodie et ses figures clés. En revenant à la télévision, il prend des risques. Quand elle plaît au très grand nombre, la satire devient un genre périlleux.» En Allemagne, Harald Schmidt, routinier de la pique, s’est essayé à un come-back télévisuel. Mi-figue, mi-raisin. A la télévision alémanique, on se défend de réchauffer une valeur sûre. «Nous voulions retrouver un animateur fort pour la satire. Les quatre émissions d’humour lancées depuis 2002 n’ont pas toutes connu un même succès», explique Rolf Tschäppät, responsable de l’humour.

Durant ses cinq années loin des plateaux, Viktor Giacobbo s’est investi dans le cinéma, sans véritable réussite il est vrai, malgré le succès de Micmac à La Havane en terre alémanique. Il s’est aussi illustré sous la tente du Cirque Knie en 2006 et surtout à la tête du Casino-Théâtre de Winterthour, devenu la tanière zurichoise du rire. Là, le comique a ravivé ces soirées de cabaret qui ont vu ses débuts d’autodidacte. C’était bien après le jour où le petit Viktor prit goût au discours qui dérange, quand, enfant, il raconta à haute voix à sa tante ce que sa mère en disait quand elle était absente. Dévoreur de journaux, Giacobbo vote à gauche mais singe aussi bien Samuel Schmid que Moritz Leuenberger, soudain très harassé et dépressif.

«En cinq ans, le discours politique s’est durci. Les confrontations sont plus vives. Cela rejaillit sur mon inspiration. Mais je ne travaille pas avec une mission. Je propose un regard qui peut aider à éclairer ce que parfois on a voulu taire.» Le comique avoue qu’il n’est pas évident de naviguer avec la dérision, dans un système de concordance. «Mais l’opposition de l’UDC va peut-être nous faciliter la tâche.»

Et qu’en pensent les politiciens, qui restent les premiers concernés par le retour du satiriste? Le conseiller aux Etats radical Felix Gutzwiller ne tremble pas: «La satire est un art nécessaire. Je dois à mes origines d’aimer ce type de discours.» Le Zurichois n’a jamais été ni invité ni brocardé par Giacobbo, à l’époque de son Spätprogramm. Vexé? «C’est vrai qu’apparaître chez Giacobbo était presque devenu signe d’importance. Je crois que je n’ai pas le profil nécessaire. Je suis trop mesuré.»

2017