Viktor Giacobbo

, 30. März 2006, von Fredy Gsteiger

Rigoler ensemble

Il y a quelque temps, des amis zurichois sont venus assister à un spectacle de Marie-Thérèse Porchet à Yverdon. Ils étaient fascinés. Mais il était évident que la plupart de ceux à qui ils racontaient l’expérience n’avaient jamais entendu le nom Marie-Thérèse Porchet. Ils ne comprenaient rien non plus aux extraits spontanément proposés par mes amis. Si le «Röstigraben» n’est en vérité guère un fossé gastronomique, il est manifestement un fossé du rire. Nos comiques ont bien les rieurs de leur côté – mais chacun seulement de son côté.

Parlant de l’humour en Suisse, un animateur romand a répondu à la question «combien de comiques connaissez-vous du côté alémanique?»: «Oh plusieurs – Emil, Blocher et Köbi Kuhn.» Ce n’est pas mieux chez nous, où on trouve encore moins de comiques romands au Festival de l’humour à Arosa qu’on ne trouve de confrères suisses alémaniques au Festival du rire à Montreux.

Un exemple récent: Est-ce que vous connaissez Fredi Hinz ou Debbie Mötteli? En Suisse alémanique, ces deux personnages du comique winterthourois Viktor Giacobbo (autre nom célèbre chez vous?) font, pour le public, carrément partie de la famille. Fredi, le chômeur et amateur de haschisch, et Debbie, la plus blonde des blondes, ont fait un tabac vendredi dernier dans le manège du cirque national Knie. Mais le public de votre côté de la Sarine n’aura pas la chance de voir Viktor Giacobbo jouant Fredi Hinz sur le chameau Suleika – après qu’on lui ait expliqué qu’on n’allait pas créer pour lui un numéro avec une baleine. Et le cirque-pas-tout-à-fait-national ne se présentera pas en Suisse romande et au Tessin avec la version française du slogan «Knie – sooo guet!», cette expression si familière à Fredi Hinz. Giacobbo et Knie sont convaincus que ces personnages et leur humour ne marcheraient pas entre Delémont et Genève.

Emil, lui, en tant qu’invité spécial chez Knie en 1977, a fait un tabac partout – même si une partie de vos rires doivent être attribués à son français approximatif et son personnage de Suisse très très alémanique, légèrement limité intellectuellement – n’est-ce pas? Les clowns comme Dimitri ou Gardi Hutter eux aussi fonctionnent partout. Mais avec l’humour linguistique, avec la satire, il y a un problème. Les différentes composantes culturelles de la Suisse peuvent bien travailler ensemble ou créer une entité politique, s’apprécier mutuellement ou voter de façon de plus en plus similaire. Mais rigoler ensemble, c’est difficile. Dommage qu’on n’ait pas osé vous présenter Giacobbo et ses personnages: on s’est privé d’une excellente chance de réduire le fossé du rire.

Pour la rigolade commune nous resterions alors limités au «cirque bernois» (comme l’a appelé le président Moritz Leuenberger lui-même, interpellé par Fredi Hinz, à la première de Knie): suivre un discours de nos conseillers fédéraux dans une autre langue reste une expérience amusante.

2017